SEMINAIRE ENCOD FORUM SOCIAL EUROPEEN 2003

(14 NOVEMBRE)

Usage des drogues et réduction des risques: pour une politique internationale des drogues juste et efficace


 

 

SEMINARIO ENCOD FORO SOCIAL EUROPEO 2003 (14 de NOVIEMBRE )

EUROPEAN SOCIAL FORUM 2003 SEMINAR ENCOD (14th of NOVEMBER)

 

 

Uso de drogas y reducción de riesgos : por una politica internacional de drogas justa y eficaz

Drug use and the reduction of risks : the struggle for a just and effective, international policy on drugs

 

 

Proposé par/propuesto por/proposed by :

Encod (Belgique), Liaison antiprohibitionniste (Belgique), Mama Coca (France-Colombia), Médecins du monde (France), Action humanitaire (Russia), Aides (France), CIRC (France), Grupo IGIA (Italia), Asud Paris (France)

Modérateur/moderador/                     :

Farid Ghehioueche, European Coordinator ICN-Encod, INFOBirmanie, France

Orateurs/oradores/speakers :   

Christine Guillain ; Liaison antiprohibitionniste, Assistante en droit pénal, Belgique

Alain Labrousse ; Expert en Géopolitique, France

Mauricio Mamani; Antropólogo, Ex Ministro de Agricultura, Bolivia

Christophe Marchand ; Liaison antiprohibitionniste, Avocat, Belgique

Andria Efthimiou-Mordaunt; John Mordaunt Trust Encod, U.K.

 

 

 

Farid Ghehioueche :
 

Merci de votre présence à cet atelier animé par Encod, on va essayer de traiter la question d’une politique internationale des drogues qui soit juste et efficace. On va essayer de survoler, en faisant « rapide », pour essayer d’avoir un temps de débat parce que c’est justement dans le débat qu’on pourra, en tout cas, faire avancer les choses. On a à la table une belle brochette d’experts, de personnes qui « mouillent le maillot » et on a notamment un petit changement par rapport au programme qui est annoncé. On a Christine Guillain qui va commencer dans la première partie à présenter l’histoire de  la prohibition ; on va essayer de faire le plus court possible. Christine Guillain, de la Liaison antiprohibitionniste qui se situe en Belgique. Je lui laisse la parole, comme ça on rentre directement dans le vif du sujet. Donc on va essayer de dénouer l’histoire de la prohibition avec Christine.

 

Christine Guillain :
 

Je vais effectivement parler de l’histoire de la prohibition des drogues, très vite, ce qui ne va pas être facile ; il va falloir résumer plusieurs siècles de prohibition. Je fais un petit signe aux traducteurs, je sais que j’ai l’habitude de parler un peu trop vite donc si quelqu’un veut m’arrêter… J’ai un texte donc je vais essayer de le lire entièrement.

 

Alors, quand on se penche sur l’histoire des drogues en fait on se rend compte que la prohibition des drogues est moins dictée par un objectif de santé publique que plutôt par des raisons économiques, sociales ou politiques et l’histoire d’ailleurs, nous enseigne que certains peuples se montrèrent particulièrement intolérants à l’égard de certaines pratiques ou d’autres vies étrangères à leurs cultures. Par exemple, au VIème siècle l’Empire Chinois interdit l’usage récréatif du tabac ; il prétend alors que c’est une substance néfaste pour son peuple. Lorsqu’à la fin du XIXème siècle les Etats-Unis s’engagèrent à la guerre d’exclusion contre les Chinois immigrés sur leur territoire, ils tenaient le même discours sur l’opium. De même, les Etats-Unis utilisèrent comme prétexte de la suppression de la marihuana les effets criminogènes de cette substance auprès des musiciens noirs de Jazz. Ces exemples parmi d’autres, bien évidement, révèlent déjà la fonction première de la criminalisation de l’usage de certaines drogues qui, parfois diabolisées, parfois ritualisées ont servi de prétexte à l’élaboration d’une stratégie pour exclure certains groupes sociaux d’origine étrangère.

 

Il semble incontestable aujourd’hui que les conventions internationales en matière de drogues sont une tentative de généralisation de la politique répressive des Etats-Unis qui se disaient assiégés par la menace de drogues étrangères et sollicitaient l’élaboration d’un projet de réglementation efficace sur le plan international. Alors, pour retracer un petit peu l’histoire de ces conventions internationales : c’est dans le contexte de la guerre à l’opium entre la Chine et l’Angleterre que fut signée la première convention internationale au tout début du XXème siècle et  qui marque vraiment le début de l’histoire internationale des drogues. Malgré la politique opiniâtre des Etats-Unis en ce début de XXème siècle c’est vraiment très timidement que les autres pays et particulièrement les états Européens, exécutèrent leur obligation dans l’unique souci, en fait, de répondre à leurs engagements internationaux. Alors certaines lois furent édictées un peu partout en Europe mais sans vraiment présenter une menace réelle pour les usagers de drogues. Il en fut bien évidement tout autrement quand fut adoptée la convention unique de 1961 ; je fais un point assez important mais il faut aller vite, il faut résumer. Donc cette convention qui a été signée à New York en 1961 et qui est toujours en vigueur  est une convention pour laquelle les Etats-Unis n’ont pas ménagé leurs efforts pour essayer de convaincre leurs partenaires du terrible fléau qu’est la drogue et qui semblait menacer le monde. Pris vraiment par une véritable angoisse d’une propagation incontrôlable de l’usage de certaines drogues, les Etats-Unis ne cessèrent de faire appel aux partisans de la prohibition. Mais quand on regarde un petit peu le contexte sociopolitique on se rend compte qu’il s’agissait une fois de plus de légitimer un point d’exclusion de type raciste à travers une opération sociale de type pseudo préventive.

 

Alors, les pays européens cette fois-ci ne restèrent pas insensibles au discours américain qui trônait dans les années 60 et bien évidement la contestation estudiantine de l’époque n’est sans doute pas étrangère de sorte que la plupart des pays européens ont considéré que la consommation de drogue, par distraction, de la jeunesse serait d’ores en avant vécue à cette époque par les aînés comme le signe de la décadence de la civilisation occidentale. Et la représentation sociale du toxicomane, puisque c’est à ce moment là qu’on commence à utiliser le terme de « toxicomane », condensaient tous les défauts d’une jeunesse considérée à la fois comme dangereuse et en danger, d’ailleurs il est assez révélateur de voir un peu les débats qui ont précédé l’ensemble des législations européennes, je prendrai pour exemple la législation belge qui est une loi qui date de 1975 ; je reprends un extrait qui me paraît assez marquant : « les utilisateurs de marihuana ne sont pas nécessairement des hommes normaux, mais des hommes déjà atteints d’une certaine faiblesse psychologique ou psychique qui l’utilisant à l’âge de l’apprentissage intellectuel franchissent incontestablement une première étape dans l’escalade vers différentes drogues de plus en plus puissantes », je crois donc que ça donne le ton.

 

Cette convention Unique de 1961 va donc être à l’origine de la plupart des politiques européennes, politiques particulièrement répressives à l’égard des usagers de drogues ; c’est d’ailleurs cette convention qui est à l’origine de la loi française de 1970. Alors, dans ce contexte de dramatisation, il y a tout d’abord,  des moyens considérables qui sont mis en œuvre pour mener à bien ces politiques et des moyens qui s’ils sont sensés en théorie lutter contre le trafic de drogue, on va très vite voir que dans la pratique ils se retournent contre les usagers. Les mouvements contestataires de l’époque autant aux Etats-Unis avec tout le mouvement de la beat-generation qu’en France, engendrèrent évidement l’utilisation de substances synthétiques de sorte que l’élaboration d’une nouvelle convention s’imposait et c’est en 1971,la deuxième convention, que fut adoptée à Vienne la Convention sur les substances psychotropes ; donc la première convention en 61, une deuxième en 71 et c’est aussi tout naturellement qu’en 1988 a été prise une troisième convention. Donc voilà posé vraiment très brièvement le contexte international avec les trois conventions, il y en a d’autres mais c’est les trois conventions les plus importantes qui sont toujours en vigueur et qui sont présentées aujourd’hui par la plupart des pays comme un obstacle à toute politique antiprohibitionniste. Alors, je vais juste conclure pour dire que ces conventions, évidement j’ai essayé de le résumer, sont le fruit de la gestion de conflits de race, de générations et de classes sociales ; d’un trafic de protection et de conservation des systèmes économiques et politiques et je conclurai donc en disant que dans ce contexte il est clair que toute tentative de décriminalisation de l’usage des drogues ne sera jamais à l’ordre du jour tant que la répression sert des intérêts politiques.

 

Farid Ghehioueche : 
 

C’est fantastique, il te restait encore deux minutes, on gagne un peu de temps sur celui qu’on a perdu. Tout à l’heure vous avez remarqué que je n’ai pas présenté Encod, c’est normal, c’est parce qu’à la fin on va essayer de présenter les initiatives d’Encod ; donc c’est un peu comme ça… pour vous ménager le suspense et vous obliger à rester jusqu’à la fin, c’est important. Donc après cet exposé sur l’histoire de la prohibition, il y aurait du y avoir dans le panel qui était prévu dans le programme que vous avez peut-être reçu sur Internet, l’intervention de Jean-Pierre Galland, le Président du CIRC France, en fait, il devait faire une brève intervention pour expliquer comment lui est victime de la prohibition ; mais surtout il devait égrainer un certain nombre de victimes en France et ailleurs de la répression féroce, et donc comme il n’est pas là -il a mal au dos il faut l’excuser- je voudrais juste dire que si ça se trouve en m’adressant à la salle je trouverait des quantités de victimes de la répression et de la prohibition qui pourraient venir témoigner mais comme on est un peu en retard je vais tout de suite assurer la transition vers la deuxième partie. Je vais m’adresser à monsieur Alain Labrousse qui est quand même un expert reconnu dans le monde y compris dans le monde antiprohibitionniste puisqu’il a rédigé quantité de livres qui sont des mines d’information et je vais lui laisser la parole pendant dix minutes, s’il te plait Alain, pour nous présenter vraiment un survol des affaires dans le monde : les questions géopolitiques que tu connais bien en Afrique, en Asie et en Amérique Latine. Merci.

 

Alain Labrousse :
 

Oui, mon intervention se situera dans la continuité de ce qui vient d’être dit, c'est-à-dire que la guerre à la drogue continue, ça va bientôt être donc une guerre de cent ans et peut-être beaucoup plus. La différence avec les années 70-80, c’est qu’il est très clair aujourd’hui que la guerre à la drogue sert d’écran de fumée pour faire la guerre tout simplement et ceci avec le couvert des Nations Unies. Lors de l’Assemblée Générale consacrée à ce sujet en 1998, en effet, il a été décidé que dans dix ans il n’y aurait plus de cultures de cannabis, de cultures de pavot et de cultures de coca ; personne n’y croyait mais c’était un encouragement à la guerre éclair, guerre dont les Etats-Unis sont toujours les leaders. Alors, dans cette guerre il semble que l’on gagne certaines batailles, par exemple en Colombie ; et bien depuis deux ans on est passés de 150 000 hectares de coca à près de 100 000 aujourd’hui. Mais le coût de cette bataille est extrêmement élevé puisqu’elle a été obtenue grâce à des fumigations massives de cultures qui sont une atteinte incontestable à l’environnement et même à la santé humaine. Il est évident aussi que cette guerre des Etats-unis c’est en fait parce qu’ils ont perdu leurs bases au Panama qui ont été remises au gouvernement, que le gouvernement du Venezuela leur interdit le survol de leur espace aérien et qu’il faut qu’ils contrôlent absolument cette zone vitale géopolitiquement du nord de l’Amérique Latine qui ouvre sur deux océans.  Donc en fait la guerre à la drogue en Colombie… et puis aussi, il y a le pétrole puisque des troupes américaines sont arrivées pour protéger les gisements des compagnies américaines en Colombie, et la biodiversité, donc un tas d’éléments qui sont vitaux pour eux.

 

Et la preuve de cette hypocrisie c’est que sur un autre terrain, si la Colombie est le premier producteur mondial de coca, l’Afghanistan, lui, est le premier producteur mondial d’opium ; l’attitude et le discours sont totalement différents, aujourd’hui les généraux américains disent : « il ne faut pas faire la guerre à la drogue en Afghanistan c’est prématuré, ce n’est pas à l’ordre du jour, la priorité c’est de vaincre les talibans ». Dans la pratique effectivement, on a vu que les talibans en 2000-2001 avaient réussi à éradiquer totalement dans leur territoire le pavot -peut-être pour de bonnes et de mauvaises raisons que je n’ai pas le temps de développer- et que depuis l’intervention des occidentaux, les productions ont repris sur une grande échelle, cette année on vient d’avoir les chiffres : augmentation de nouveau de 10% des productions c'est-à-dire 4 600 tonnes d’opium, de quoi faire 460 tonnes d’héroïne. Et pourquoi les Etats-Unis disent-ils qu’il ne faut pas s’en occuper ? Parce que les grandes zones de production sont des zones pachtounes, plutôt opposées au gouvernement dont le poids principal est tadjik, et donc on ne veut pas ouvrir un nouveau front dans cette région instable. La deuxième raison c’est que pour faire la guerre aux talibans, les Etats-Unis s’appuient sur des seigneurs de la guerre qui sont des grands trafiquants de drogue -comme Rachid Dostom l’Ouzbek qui est vice-ministre de la guerre dans le gouvernement Afghan actuel-. En fait, si on voulait réduire les productions illicites ce n’est pas ici, je veux dire dans cette salle peut-être qu’il faudrait en discuter, mais dans les salles où on parle de coopération Nord-sud et de problèmes agricoles parce qu’en fait il est très clair que si les paysans, et notre ami bolivien nous le dira, cultivent la coca ou le pavot et le cannabis, c’est pour des raisons économiques, pour des raisons de pauvreté et pour des raisons d’inégalité des rapports Nord-sud dans les échanges, en particulier en matière agricole. Et je suis quand même surpris de l’attitude des alter mondialistes parce qu’à Cancun dans le sommet de l’OMC c’était un sujet que l’on aurait du aborder.

 

C'est-à-dire que d’abord les programmes d’ajustement structurel qui empêchent les pays du tiers monde de protéger leur agriculture ont favorisé l’extension des cultures illicites, mais en plus les subventions -c’était de ça qu’il s’agissait à Cancun- des pays riches à leur agriculture ont aggravé cette situation dans la mesure où on obligeait les pays du tiers-monde à ne pas se protéger et on leur fait une concurrence déloyale en subventionnant nos agricultures. Voilà, dans le peu de temps que j’ai, une des raisons de la production des cultures illicites. Alors dans ce panorama vous allez avoir bientôt, je l’espère, les chiffres du Maroc, pour la première fois il y a eu une enquête officielle des Nations Unies, on va s’apercevoir qu’il y a 150 000 hectares de cannabis dans le rif marocain, région très pauvre, surpeuplée avec des quantités de problèmes et si on employait les méthodes américaines de défoliation pour lutter contre cette situation, évidement on en serait à un million de migrants supplémentaires en Europe. Donc l’Europe préfère fermer les yeux et ne pas discuter de ce problème de coopération, l’Europe et la France bien entendu. Alors dans un tel cas, je crois qu’il n’y a pas grande chose à espérer des institutions internationales, de la Commission de stupéfiants qui se réunit chaque année à Vienne au mois d’avril, au printemps.

 

Et malheureusement on voit que la position américaine est appuyée par une grande majorité, une immense majorité des pays du tiers monde à l’exception des latino américains qui ont plutôt une position d’opposition, de nuance ; mais les pays du moyen orient, les  pays africains, les pays asiatiques, soutiennent des politiques parfois plus répressives que les Etats-Unis puisque vous savez que dans de nombreux pays on fusille, on condamne à la peine de mort des gens pour des possessions de drogue qui chez nous ne valent même pas la prison, le sursis en général : 30 grammes d’héroïne, 4 kilos d’opium et dans de nombreux pays c’est la peine de mort pour tous ces gens là. Pour masquer en général des faits de corruption, les régimes corrompus pour se dédouaner suivent la politique américaine et vous savez qu’en 2002 il y a eu une motion présentée par la Libye soutenue par le Soudan et un certain nombre d’autres pays arabes très démocratiques… condamnant les politiques de réduction des risques justement et cette motion a eu une immense majorité à la Commission de stupéfiants qui regroupe plus de 100 nations. Donc je ne crois pas  qu’il y aura un changement de la guerre à la drogue, des politiques prohibitionnistes par le haut, mais comme on l’a dit tout à l’heure plutôt par les expériences, par le bas, par les politiques des villes, par les politiques menées par les associations qui devront remonter pour influencer ce qui se passe plus haut parce que si non, je crois que cette guerre à la drogue de 100 ans va se prolonger encore longtemps. Merci.

 

Farid Ghehioueche : 
 

Vraiment, les intervenants sont formidables chaque fois ils me laissent deux minutes en plus. Et donc, merci Alain, c’est vrai qu’on pourrait encore continuer parce qu’il y avait la Birmanie aussi –entre autres- mais je crois qu’il est aussi important d’entendre ces gens qui habitent ces pays lointains et où on produit ces substances soi-disant maléfiques. Et là je vais laisser la parole tout de suite à Mauricio Mamani Pocoaca qui est en fait un anthropologue bolivien qui a étudié la coca.

 

Mauricio Mamani Pocoaca :
 

En espagnol....

 

Farid Ghehioueche : 
 

Donc, c’était la fin de la deuxième partie, on arrive dans la troisième partie et en suite on lancera le débat. Et pour amener la présentation de Christophe Marchand qui vient également de Belgique et de la Liaison antiprohibitionniste, je dirai tout simplement que ce monsieur a fait partie de la délégation officielle du Royaume de Belgique lors de la Commission Drogues et Narcotiques à Vienne en Autriche qui s’est tenue en avril 2003. Plutôt qu’ils nous donne de petites anecdotes croustillantes sur ce qui s’est décidé là-bas qu’il nous dise, de son point de vue d’expert, en tant qu’avocat, juriste… Qu’il nous fasse des propositions pour la réforme des traités internationaux. C’est possible ?

 

Christophe Marchand :
 

Merci Farid pour cette perspective magnifique. Quand est traitée la question des projets de réforme des conventions internationales, puisque finalement c’est toujours le thème qui revient que ce soit dans les discussions au sein de parlements, -et je fais ici référence aux travaux qui ont lieu en Belgique mais aussi aux travaux qui viennent d’avoir lieu au sein du Sénat du Canada ou bien en Australie dans divers parlements locaux- il y a à chaque fois cette question qui revient qui est de savoir si on peut avoir une certaine liberté dans la politique des drogues, si un état peut mettre en œuvre la politique des drogues qu’il souhaite avec évidement la conclusion qui serait une politique de réglementation des drogues en dehors du champ pénal, en dehors du champ répressif ; et ça c’est une question qui reste bien sur une question fondamentale.

 

On en a parlé avant, dans le panel précédent et j’ai été très attentif à ce que l’un des nœuds, finalement, de la question de la réduction des risques c’est la modification nécessaire des lois pour pouvoir travailler en tant que médecin de manière tout à fait normale et sans avoir constamment cette pression policière ou pression répressive à l’égard tant des usagers mais aussi des acteurs de la réduction des risques qui ont aujourd’hui des problèmes eux-mêmes, en tant que personnes, en tant que médecins, pour faire leur travail. Alors cette question de la marge de manœuvre qu’ont les états au sein des conventions internationales est une question complètement controversée, il y a certains experts qui disent : oui on peut faire ce que l’on veut au sein des conventions internationales, les conventions internationales n’obligent pas les états à avoir une politique prohibitionniste ; d’autres experts disent : ah non pas du tout, les conventions internationales sont très claires, elles empêchent toute politique autre en matière de drogues.

 

Alors au sein de ces controverses on peut citer par exemple des propositions qui ont surgi pour essayer d’aller au-delà de ces controverses. Il y a par exemple une proposition qui date déjà de plusieurs années de la Ligue Internationale Anti-prohibitionniste, qui a fait tout un gros projet de réforme des conventions internationales. Il y a le fameux petit mot de Francis Caballero qui a dit « pour modifier des conventions internationales et pour permettre une réglementation des drogues il suffit de changer un mot ou d’ajouter un mot dans les conventions internationales » ; et puis il y a d’autres projets de modification mais qui sont à chaque fois des modifications de contenu. Je reviens un instant sur le mot, l’esprit plutôt de Francis Caballero qui croit qu’il faut juste un mot pour tout modifier et quel est ce mot. Dans les conventions internationales, Christine a parlé tout à l’heure de la convention de 1961 qui s’appelle la Convention Unique sur les Stupéfiants et qui prévoit dans un de ses articles, que les états s’engagent à limiter tout usage de drogue uniquement à des fins médicales et scientifiques et donc Francis Caballero voudrait rajouter « ou autre », donc ce serait « à des fins médicales, scientifiques ou autre ».

 

Effectivement, ces conventions internationales sont d’une certaine manière fondamentales pour le monde ; alors, je m’explique, il y a deux volets finalement dans toutes ces conventions internationales, un volet de réglementation du commerce licite des médicaments et stupéfiants –par exemple la morphine pour l’usage de la médecine-  et puis il y a les volets répressifs qui demandent aux états de prendre des mesures afin de criminaliser les usages non scientifiques et médicaux des drogues. Mais la question qui peut se poser d’une manière générale et là je trouve que c’est un peu ouvrir le débat, c’est « qu’est-ce qu’une convention internationale ? ».

 

Evidement dans le mouvement alter globaliste, quand je pense à ce mouvement je pense bien sur au concept de pensée unique et je retourne directement sur ma convention de 1961 qui s’appelle « convention unique » parce que c’est véritablement une espèce de carcan non seulement juridique mais aussi moral qui est émis à l’humanité, à l’univers, en disant voilà vous êtes ou vous seriez obligés de criminaliser la consommation et le simple usage de stupéfiants. Or on se rend compte que le débat évolue dans la pratique et on l’a dit tout à l’heure, c’est très important qu’il y ait une action au niveau local ; or le débat évolue et peu à peu on se rend compte que les états ne respectent plus ces conventions dans leur interprétation stricte et donc on arrive alors à une pratique des états qui se démarque petit à petit de la l’interprétation stricte de ces conventions. Ce qui est un point important c’est qu’en Droit International finalement, en ce qui concerne les conventions internationales, les états restent libres de les interpréter comme ils l’entendent, on n’est pas dans un système tout à fait particulier comme on voit par exemple dans les conventions sur le FMI où le pouvoir d’interpréter une convention a été enlevé aux états et a été donné à une instance particulière. Ici ce n’est pas le cas, dans les conventions internationales les états gardent la liberté de pouvoir interpréter comme ils l’entendent ces conventions.

 

Alors je ne vais pas entrer dans les détails juridiques de savoir tel article on va interpréter comme ceci, comme cela ; toujours est-il que des auteurs se sont penchés sur la question et ont interprété la convention d’une manière telle qu’elle permettrait le pouvoir réglementé des drogues en dehors d’un cadre prohibitionniste. Ça c’est le travail théorique mais ce qui est le plus important en droit international c’est la pratique des états,  c’est ça qui compte, c’est comment les états finalement, interprètent dans la pratique quotidienne la convention. Et à cet égard, il est intéressant de relever comme exemple la pratique des coffee shops dans les Pays-Bas, vous savez, cette pratique des coffee shops où c’est à moitié légalisé, il y a une politique de tolérance qui a été mise en place juridiquement.

 

En ce qui concerne les instances internationales, vous connaissez l’organe international de contrôle des stupéfiants qui doit surveiller pour voir si tous les états respectent de manière stricte les conventions internationales, s’est contenté de faire des mises en garde, s’est contenté -dans un rapport- de déplorer l’existence des coffee shops, d’envoyer une mission aux Pays-Bas et de la faire confronter à un parlement néerlandais qui a dit : mais non, nous on veut faire la politique des coffee shops parce que c’est dans l’intérêt de la santé publique et que l’intérêt de la santé publique c’est ce qui est visé dans les conventions internationales, donc nous estimons que nous restons dans le cadre des conventions internationales et point final. Alors voilà, c’est la seule sanction qui est possible par les organisations unies : c’est cette espèce de mise au banc international en faisant des rapports. Alors évidement, un état comme les Pays-Bas peut se permettre ce genre de situation quitte à se mettre au banc, à un moment donné, de la communauté internationale ; ce qui n’est malheureusement et probablement pas le cas pour un ensemble d’états, je fais ici référence à toutes les politiques qui sont claires là-bas aux Etats-Unis, d’aide en Amérique Latine qui sont conditionnées à des politiques bien précises en matière d’éradication de cultures. Pour ces états évidement, il est tout à fait impossible d’effectuer des  modifications, s’ils le souhaitaient parce que ce n’est pas le cas -on l’a dit tout à l’heure qu’il y a une grande majorité des états qui suivent les Etats-Unis dans ce maintien international de la prohibition- Je voudrais terminer en revenant sur deux ou trois éléments de conclusion, le premier c’est que finalement quand on regarde le contenu réel de ces conventions internationales, vous vous rappelez qu’une convention internationale est le reflet de l’unanimité, il n’y pas un état qui peut dire moi je suis plus ou moins d’accord ou pas, à moins qu’il émette une réserve, mais c’est le reflet de l’unanimité.

 

Donc pour que l’on puisse avoir de nouvelles conventions internationales il faut qu’il y ait une unanimité des états qui soient d’accord avec la nouvelle convention internationale, ce qui est pour l’instant tout à fait impossible puisque les états ne souhaitent pas modifier ce cadre de pensée unique. Néanmoins un outil qui pourrait permettre aux états de faire ce dont ils ont envie, évidement ici on se situe à un niveau étatique puisque si c’est évidement intéressant qu’il y ait des pratiques de réduction des risques sur le terrain, il me semble évident qu’à un moment donné il y faut une intervention étatique de modification législative, de modification des lois si non  on ne peut pas sortir du carcan. Et donc par le biais de l’interprétation on pourrait y arriver, alors pour l’anecdote peut-être sur comment les conventions internationales sont arrivées ; à un moment de la discussion de savoir si l’on allait mettre le cannabis par exemple dans les produits interdits, le représentant de l’Inde à ce moment là a dit : et bien écoutez, moi je veux bien admettre le cannabis et l’interdire dans les conventions internationales mais dans mon pays, dans mon état ce me sera impossible de mettre en œuvre cette interdiction parce que l’usage finalement est un usage social tout à fait normal. Et donc toutes ces déclarations se retrouvent dans les travaux préparatoires de la convention unique et on peut l’utiliser pour pouvoir interpréter cette convention sur l’intention qu’avaient les parties au moment où elles ont conclu cet accord international.

 

Deuxième point, c’est sur ce dont on a parlé tout à l’heure de l’UNGASS pour cette réunion en 1998 l’Assemblée Générale des Nations Unies qui dit « dans 10 ans nous allons éradiquer le problème de la drogue » avec l’évaluation qui a eu lieu l’année passée à Vienne,  c’est évidement un échec ce n’est pas en 10 ans que l’on va pouvoir supprimer le problème de la drogue ; même si les déclarations sont plus précises que cela, c’est ce qu’il en est sorti, en tout cas dans le discours politique d’Inor Alaki ?? qui était le représentant de l’agence la plus importante des Nations Unies. Et bien la question est de savoir ce qui va se passer dans cinq ans quand on retournera à l’Assemblée Générale des NU et qu’on devra faire constater que c’est un échec. A ce moment là évidement, les états auront une possibilité d’initiative et dès maintenant, il faut que chacun stimule les états à mettre ça en eux. La dernière chose que je voulais dire, et je termine vraiment  par là, c’est qu’une possibilité qui existe également pour essayer de contourner les conventions internationales est que les états ou un groupe d’états passent des conventions entre eux, sans les Etats-Unis, parce que ils n’ont plus cette communauté d’intérêts moraux et juridiques avec les Etats-Unis ; qu’ils passent entre eux des nouvelles conventions et il y a des projets qui existent aussi à cet égard. Merci pour votre attention.

 

Farid Ghehioueche :
 

Merci Christophe, alors on arrive presque à la fin de ce premier panel et en suite on va essayer de faire un peu moins d’une demi-heure de débat parce qu’il il faut libérer les bénévoles. Je pense que pour faire très rapide pour introduire Andria qui est à ma gauche et qui donc fait partie d’Encod qui va présenter un peu l’action d’Encod et surtout un peu les stratégies qu’on peut mettre en œuvre tel que celles qui ont été soulevées un peu tout à l’heure et là peut-être qu’il faudrait taper du poing sur la table. Est-ce que tu peux taper du poing sur la table ?

 

Andria  :
 

En anglais..

 

Farid Ghehioueche :

Avant qu’on s’en aille je voudrais juste vous rappeler que demain encore, demain matin pour les plus courageux, salles Pierre et Marie Curie -la salle 2- à Ivry, métro Mairie d’Ivry, ligne 7 ; vous pourrez retrouver notre ami bolivien Mauricio et également quelqu’un que vous n’avez surment pas reconnu dans la salle parce que ce n’est pas si simple… mais il y a un chamane parmi nous. Carlos Yujura. Et donc demain matin, salle Pierre et Marie Curie ; on vous attend pour l’atelier Mama Coca.

 

 

 

Transcrit par Mónica Juliana Lalinde

MamaCoca

 



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