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Alternatives des organisations régionales dans le Putumayo

face à la culture de la feuille de Coca

 

Maria Clemencia Ramirez et Carmenza Mantilla, ICANH

Dans cette présentation nous voulons faire ressortir deux aspects; d'une part, la composition de la population du Putumayo, sa tradition en termes d'organisation et ses propositions alternatives à la culture de la coca ; d'autre part la consolidation d'espaces de participation citoyenne comme une alternative au conflit armé. La signature à Puerto Asís des pactes pour l'éradication volontaire peut seulement se comprendre si l'on tient compte de l'histoire de l'organisation des paysans du Putumayo durant les trente dernières années.

Composition de la population des paysans colons dans le Putumayo

C'est devenu un lieu commun de supposer que la culture, le raffinage et le commerce de la coca engendre la violence, favorise l'individualisme, la recherche de l'argent facile (la mentalité narco), la perte des valeurs, etc. Cette perspective ne permet qu'une lecture homogénéisatrice des effets de l'économie de la coca chez les habitants des régions productrices, décrits comme des chercheurs de fortune sans racines, ou pire encore comme des personnes violentes, hors la loi, avec leurs propres règles du jeu. Cette lecture ignore complètement la longue histoire de la colonisation de l'Amazonie et des secteurs de population qui y vivaient bien avant l'arrivée de la coca.[1]

Une enquête réalisée par l'INCORA dans le département du Putumayo en 1991 a abouti aux données suivantes:

Tableau 1: Origine des colons par département
Nariño: 54.5%
Cauca:  14.6%
Putumayo:  8.1%
Valle del Cauca:  5.7%
Tolima:  4.9%
Autres:  4.9%
Caquetá:  2.4%
Cundinamarca:  2.4%
Meta :  1.6%
Huila :  0.8%

Tableau 2: Ancienneté des colons dans la région
1930-1946 0.80%
1947-1967 23.20%
1968-1977 19.20%
1978-1986 37.60%
1987-1993 19.20%
Source: Ariza, et. al. 1998. Atlas Cultural de la Amazonia Colombiana: la construcción del territorio en el siglo XX. Ministerio de Cultura-Instituto Colombiano de Antropología, Corpes Orinoquia, Corpes Amazonia, Bogotá.

L'analyse de ces chiffres fait ressortir deux éléments. Tout d'abord la prépondérance dans le Putumayo de la colonisation en provenance de Nariño, ce qui va avoir des conséquences tant sur les formes d'organisation de la population que sur sa perception de l'Etat. Il s'agit de paysans minifundistes qui cherchent à s'approprier un bout de terre et donc maintiennent leurs conditions de petits cultivateurs. D'autre part, bien que le pourcentage d'arrivées le plus important se situe durant la période du boom de la coca (37.60%), il faut signaler durant l'époque de « La Violencia » une vague d'arrivants qui, si on y ajoute les arrivants de la période de l'exploitation pétrolière, représente 42.40%, ce qui montre que l'économie de la coca n'explique pas toute la migration de population vers l'Amazonie.

Le résultat de ce processus de migration est l'existence de trois générations qui ont habité dans le Putumayo : tout d'abord, celle des migrants récents dont les fils sont nés en dehors du département mais qui ont été élevés dans la zone; la seconde génération est celle des fils des anciens colons nés dans la zone qui veulent travailler dans la région et lui manifestent un certain attachement; enfin la troisième génération est constituée des petits-enfants des premiers migrants. Dans la seconde génération on remarque certains professionnels qui après avoir fait leurs études en dehors de la région y reviennent. Cette génération est plus consciente de la spécificité de la région amazonienne que les vieux colons et propose en substitution à la culture de la coca celle de produits adaptés à l'environnement amazonien dans le cadre de structures coopératives.

La différenciation entre les générations de colons doit également intervenir dans la réflexion sur la conservation de la forêt amazonienne et la relocalisation des paysans qui en résulte. Il existe des individus issus d'un peuplement ancien qui ne sont pas disposés à être relocalisés, contrairement à des colons plus récents qui pourraient l'être plus facilement. Il est donc important d'insister sur la durée de la colonisation amazonienne et surtout de tenir compte de la population avant de prendre une décision. Il existe tout un secteur de la population qui a fait sa vie dans la région, qui a vu arriver la coca alors qu'ils étaient déjà installés là, et qui est prête à changer de culture, mais pas d'endroit. Insister uniquement sur la préservation du milieu amazonien en relocalisant la population contre son gré, c'est méconnaître tout un pan de cette population qui a ses racines dans cette région, et c'est appuyer ou du moins argumenter en faveur de la thèse qui soutient que les habitants de l'Amazonie sont des migrants (et même des délinquants), discours qui légitime les actions militaires et la persécution des paysans cultivateurs de coca dans la zone.

Dans tout projet alternatif de production, on doit établir une distinction entre colons anciens et plus récents. C'est un fait connu dans la région que les anciens colons qui possèdent des terres cultivent de la coca en plus d'autres cultures et investissent leurs bénéfices dans l'amélioration de leur maison et dans la diversification de leur production en développant entre autres l'élevage. Ces colons utilisent la main d'œuvre familiale pour cueillir et traiter les feuilles de coca et n'embauchent en général pas de main d'œuvre extérieure. A l'opposé d'autres, le plus souvent de récents arrivants attirés par la culture de la coca, ne cultivent que de la coca, souvent sur des terrains de plus de trois hectares, et ont besoin d'employer des travailleurs pour la récolte. Malgré tout, dans le Putumayo, la culture de la coca est essentiellement le fait de petits cultivateurs[2]. En 1996, 77% des cultures de coca étaient entre les mains de petits et de moyens cultivateurs à Puerto Asís et 82% dans le Valle del Guamuéz.

Points à considérer pour la promotion de projets alternatifs

Suite à l'expérience avec des organisations communautaires dans la région, il nous semble nécessaire lors de la discussion de projets alternatifs pour le Putumayo de tenir compte d'un certain nombre de points.

Il existe dans la zone des exemples d'organisations communautaires qui mettent entre parenthèses l'individualisme que la culture de la coca est censée promouvoir. D'autre part les fonctionnaires de la Red de Solidaridad Social (Réseau social de solidarité) signalent que malgré la violence et les pourcentages élevés de culture de coca dans les communes de Puerto Asís, Valle del Guamuéz (La Hormiga) et San Miguel (La Dorada), le dynamisme des projets soutenus par cette institution est impressionnant : « A La Hormiga, Puerto Asís et San Miguel, les gens travaillent coude à coude avec les fonctionnaires officiels locaux pour améliorer leur niveau de vie» commente dans un entretien un fonctionnaire de cette institution.

Par ailleurs, les fonctionnaires locaux insistent sur la nécessité, pour assurer le succès des projets de production, de distinguer non seulement les deux générations (les anciens et les jeunes), mais également d'établir une distinction supplémentaire entre les formes de production individuelles et communautaires. En effet si quelques colons de longue date ont un potentiel pour redévelopper des cultures licites au niveau de leur propriété et ce de manière individuelle (Red de Solidaridad –IICA 1998), d'autres paysans insistent que «si nous voulons nous réinsérer dans l'économie du pays, nous devons le faire avec qualité. Un petit paysan ne peut le faire seul, la seule façon de le faire est de s'associer au travers d'une organisation coopérative. Seule cette coopérative réussira dans l'agro-industrie» (Intervention à la table des négociations, Orito, 1996). L'organisation au travers de coopératives ou d'entreprises agricoles coïncide avec la proposition du Plante.[3]

En ce qui concerne la création d'entreprises, il faut souligner un point important. Certains fonctionnaires locaux font ressortir le fait que certains paysans sont d'accord pour substituer leurs cultures mais de manière individuelle. Il nous semble important de déterminer quelle partie de la population est prête à créer et à maintenir des entreprises, ce qui nous en sommes convaincus est directement lié au type de colons à qui l'on a affaire. Ce n'est qu'au prix de cette différenciation entre diverses couches de population que l'on pourra esquisser des projets qui répondent aux attentes de groupes locaux. Il s'agit de couches de population qu'il faut différencier de façon peut-être à dessiner des projets qui répondent mieux aux attentes des groupes avec lesquels on travaille. Il nous paraît indispensable de discuter avec les intéressés pour savoir s'il faut développer des actions de groupe (de type entreprise) ou des actions individuelles.

Un autre point à discuter se réfère au développement ou non de monoculture, et il y a là différentes positions. Certains spécialistes de l'environnement amazonien soutiennent qu'il faut promouvoir une réelle diversification de la production sans donner de priorité à la revalorisation de cultures traditionnelles d'exportation et/ou de monocultures (Cabieses 2000). A ce propos il faut insister sur le fait que les anciens colons ne cultivent pas seulement de la coca sur leurs terres et qu'il serait important de récupérer les connaissances de ces locaux sur la meilleure façon d'utiliser les ressources de l'Amazonie. Le Plante l'a bien compris: le paysan, ou du moins certains paysans, ne sont pas seulement des cultivateurs de coca mais cultivent sur leurs terres d'autres produits. C'est ainsi que le Plante, comme l'a indiqué un fonctionnaire lors d'un entretien en 1999, a essayé de comprendre le rôle que joue la coca dans le modèle de production paysanne, pour pouvoir ainsi proposer le remplacement de la culture de la coca par des produits déjà présents sur les terres.

Propositions intégrales pour la substitution : table de négociation, marches de 1996

Nous voulons aussi insister sur les discussions qui se sont tenues lors des marches de 1996, où des propositions concrètes ont été faites qu'il faut reprendre. Deux points centraux sont ressortis de la discussion : tout d'abord « le paysan cultivateur impliqué dans le processus d'éradication volontaire doit être considéré comme un acteur social et un interlocuteur valable lors de la recherche de solutions ». Les dirigeants du mouvement ont toujours manifesté leur intérêt de travailler avec le gouvernement. Voilà les paroles d'un porte-parole des paysans :

Si nous nous rendons compte que l'Etat tient ses engagements, vous pouvez être surs que, tout comme nous sommes actuellement les porte-paroles des communautés pour défendre la thèse que nous venons de vous présenter, nous serons les porte-parole non du gouvernement, mais de l'engagement que nous avons pris ici; nous irons dire aux gens: "respectons notre engagement puisqu'ils respectent le leur". (Intervention de porte-parole des communautés lors de la table de négociation, Orito 1996).

En second point, les participants ont insisté sur le fait que la substitution doit être graduelle; voilà la stratégie qui a été proposée en octobre après les marches de 1996 lors de la première discussion sur l'éradication volontaire:

On calcule que le crédit s'adressera à une population de 40 000 familles, petits et moyens propriétaires, liés ou non à la culture illicite de la coca dans le Putumayo. On propose un taux d'intérêt de 15 % par an avec une période de latence de deux ans pour les intérêts et le capital; ce crédit devra couvrir la totalité de l'investissement dans un projet qui sera lié à la planification de l'exploitation. Pour réunir les sommes nécessaires au crédit on propose la constitution d'un Fonds d'urgence agricole provisoire, créé sur une période de six ans et qui s'alimenterait de ressources provenant du budget national et d'autres sources, de façon à atteindre une somme suffisante pour financer les lignes de crédit allouées couvrant l'assurance pour la récolte, l'achat comptant de la production à des prix de soutien et l'élaboration d'un système de primes de transport basé sur deux stratégies, dont l'une correspond au paiement total du coût du transport des produits du lieu de production aux lieux de marché de gros de Nariño, Cauca et Huila. De plus ce crédit devra posséder une ligne d'assistance technique proposée par les organismes institutionnels du secteur agricole au niveau municipal, régional, national et international, sans affecter le crédit en lui même. On propose aussi d'établir des unités de production agricole familiales (UAF) en accord avec la loi 160 de 1994, an tenant compte des caractéristiques du terrain en Amazonie, de telle façon que la taille d'une unité ne soit pas inférieure à 30 hectares.

On distingue par ailleurs deux types de projets productifs: les cultures traditionnelles ou colonisatrices et celles qui relèvent du développement durable. Les projets basés sur la culture de produits colonisateurs pour remplacer la coca devront se faire à partir de la définition d'une stratégie de contingentement avec pour base la déclaration de l'urgence économique et sociale dans le département du Putumayo. Cette déclaration d'urgence permet d'inscrire ces projets dans le cadre des projets de la Banque nationale des projets de planification nationale sans être soumis aux démarches administratives ordinaires. En ce qui concerne les projets qui s'inscrivent dans le cadre du développement durable, ils se conçoivent comme «la mise en place d'entreprises coopératives de production agro-forestière et agropastorales appuyés par des ressources du budget national et de la coopération internationale». Ces projets devraient se définir et se formuler avec la participation de la communauté et le concours du personnel technique et professionnel lié au développement du département. Enfin il a été prévu de former une Commission permanente d'évaluation, de contrôle et de suivi de la communauté constituée des membres définis lors de la Commission de négociation de la grève civile (Document de la première discussion, Commission 1, 14 août 1996).

La Red de solidaridad (Réseau de solidarité) a proposé lors de cette table de négociation des marches de 1996 la possibilité d'éradiquer manuellement les cultures. Ce programme d'éradication proposait au départ aux agriculteurs des modalités de paiement en journées de travail, en fonction du nombre d'hectares que le cultivateur possédait en coca, avec un minimum d'un hectare et un maximum de trois. Pour un hectare on payait 37,5 journées de travail à 10 000 pesos chacune, ce qui revenait à 375 000 pesos par hectare arraché.[4] A celui qui arrache deux hectares, on paierait 75 journées de travail soit 750 000 pesos, et 112 journées soit 1 120 000 pesos à qui en éradiquerait trois. Il fallait dès le début de l'éradication faire appel au technicien de l'UMATA pour entrer dans le programme d'éradication; ce dernier, après une visite, lançait le processus d'obtention du crédit. On entrait ainsi dans la phase dite de préparation qui couvrait la période entre la phase d'éradication et celle d'approbation du crédit permettant de commencer une autre culture, période d'à peu près deux mois, durant laquelle le paysan avait droit à une allocation de 750 000 pesos pour assurer sa subsistance jusqu'à l'arrivée du crédit ou la préparation de la terre pour continuer la production. A ceux qui avaient trois hectares de coca, on donnait 1 875 000 pesos. Ce délai de deux mois parut trop long aux paysans et ils considéraient de plus que l'allocation de 750 000 pesos (soit 375 000 pesos mensuels) était insuffisante pour subvenir aux besoins d'une famille pendant deux mois.

Malgré ces restrictions, entre avril et juillet 1997, la Red de Solidaridad a reçu des propositions d'éradication volontaire de la part de paysans issus des municipalités de Puerto Asís, Orito, San Miguel et Valle del Guamuéz.[5] Des expériences concrètes ont été menées dans le Predio Putumayo et Predio Caucayà de la municipalité de Leguizamo, projets pilotes d'éradication manuelle qui doivent selon nous être évalués à l'heure où l'on signe des pactes pour l'éradication volontaire. Dans le Predio Putumayo dans le parc La Paya, le projet a débuté en 1997 avec la participation de la Red de solidaridad social, le Ministère de l'environnement (les fonctionnaires du parc La Paya), l'Incora, le Plante au niveau central et la mairie-UMATA personnel municipal. Dans ce parc ce projet a été mené conjointement au processus d'assainissement de la réserve indigène.

Dans le Predio Putumayo on a travaillé avec 51 familles de colons et indigènes, et en septembre 1998 16,5 hectares de coca avaient été éradiqués. Des ressources ont été trouvées pour le déracinement, l'assainissement, les préparatifs et l'appui des familles qui ont abandonné la zone pour s'installer dans le centre de Puerto Leguizamo grâce à des fonds pour le logement social. «Au cours du processus d'assainissement, l'Incora a travaillé avec 64 familles pour une valeur de 476 210 000 pesos; en ce qui concerne l'éradication manuelle, la Red a travaillé avec 51 familles pour une valeur de 140 800 000 pesos; pour les préparatifs la coordination Plante-Red a travaillé avec 51 familles pour une valeur de 57 375 000 ; de la même façon la Red au travers de son programme de logement s'est focalisée sur 16 familles avec une allocation d'une valeur de 41 600 000 versée ultérieurement. Si nous faisons la relation des différentes ressources investies par les institutions sans tenir compte du coût logistique et de la conception des projets, l'investissement réalisé dans la région dans le cas du Predio Putumayo revient à une moyenne de 13 926 565 pesos par famille et terrain assaini en coca ce qui revient en moyenne a 3 816 000 pesos par hectare de coca éradiqué (Red de solidaridad IICA 1998).

En 1998 la Red a informé que sur le terrain Caucayà le même procédé avait été employé avec quelques familles, à peu près 14 autres (chez qui on vérifiait l'existence de cultures de coca) devaient entrer dans le processus afin de concevoir par la suite des projets alternatifs.

Promotion d'espaces de participation citoyenne au milieu de la violence :

le cas du CMDR de Puerto Asís   

Les conseils municipaux de développement rural (CMDR) sont devenus dans le Putumayo des espaces de travail entre institutions officielles et paysans qui permettent d'élaborer des programmes pour la municipalité en accord avec les intérêts de la population tant urbaine que rurale. Ces conseils ont été créés selon la loi 101 de 1993 pour servir d'instance supérieure de concertation entre les autorités locales, les communautés rurales et les entités publiques en matière de développement rural. A la fin de 1998 et au début de 1999 les CMDR se sont consolidés particulièrement dans la municipalité de Puerto Asís. La ANUC est déterminante dans ce processus puisqu'elle est à la tête du développement de ces instruments de planification et de participation dans le département.

Au travers de l'Association des municipalités du Putumayo (fondée en 1998) la proposition d'Observatoire social participatif est lancée début 1999, pour les municipalités du Putumayo sous l'impulsion de Puerto Asís. Les objectifs du projet présenté sont tout d'abord de contribuer à élever la capacité de gestion de l'administration de Puerto Asís, et ensuite de développer le pouvoir des organisations populaires en amplifiant les espaces de participation démocratique, grâce à un système d'indicateurs sociaux qui permettent d'élever la conscience sociale, centraliser l'investissement social démographiquement et socialement et suivre la gestion gouvernementale pour les projets qui s'adressent à des populations socialement vulnérables.

L'OSP en association avec le CMDR donne les meilleurs résultats et débute un processus de sensibilisation et de formation avec des ateliers d'organisation, de planification, de participation communautaire et d'élaboration de projets au travers les 12 groupes du CMDR que forment les 5 «corregimientos» et les 7 «inspecciones». Cette étape commence en mars et se termine en octobre 1999; 72 ateliers et réunions ont eu lieu et 2880 personnes ont participé de façon continue parmi les dirigeants et la communauté.

Ce processus a permis de faire prendre conscience à l'administration, aux institutions locales, départementales et nationales et en particulier aux communautés qui habitent les trois «veredas», de l'importance de cet outil dans l'élaboration de projets s'intégrant dans un Plan de développement municipal.

Nous présentons dans les lignes qui suivent quelques propositions faite par les communautés lors de ce processus :

Dès 1998 surgit avec une grande force l'idée de concevoir une Zone de réserve paysanne (Zone de reserva campesina, ou ZRC) à Puerto Asís; le projet se construit durant les années 1999 et 2000 et est approuvé par une résolution de l'Incora à la fin de l'année 2000. Cette réserve se trouve située dans le centre-sud de la municipalité de Puerto Asís, avec une étendue approximative de 22 000 hectares et une population estimée à 4 700 habitants distribuée sur 22 veredas, avec une densité de 1 habitant pour 5 hectares. Elle couvre les Inspections de polices de Bajo Cumbi et de Comandante soit respectivement 12 000 et 10 000 hectares. Le diagnostic nécessaire à la constitution de la Zone de réserve paysanne a été réalisé par le CMDR, avec la participation active des leaders paysans qui ont rassemblé de l'information en provenance des populations, des projets de production, etc. La constitution d'une telle zone suppose l'existence d'une communauté organisée qui se présente comme telle face à l'Etat, afin que ses membres soient reconnus comme des interlocuteurs valables pour le processus de stabilisation de la frontière agricole. Pour les colons de ces veredas, la ZRC est devenu une des meilleures alternatives puisqu'ils la considèrent comme un instrument indispensable à la conception et la réalisation de plans de développement intégré. C'est dans cette perspective que s'inscrit la proposition de ZRC en tant qu'exercice de planification conçu de bas en haut avec la participation directe de la communauté organisée, qui produit elle-même son diagnostic et son plan de développement durable en accord avec l'administration municipale et les autres entités de l'Etat présentes dans la zone. C'est ainsi que l'on aboutit à ces différents types de projet :

Cette proposition a lieu au moment où commence le Plan Colombie, qui implique l'intensification des fumigations dans le Putumayo, qui ont commencé dans la municipalité de Puerto Guzman en début d'année 2000 et dans le Valle del Guamuéz, San Miguel et Orito à la fin de l'année. Le phénomène paramilitaire s'est renforcé dans le Bas Putumayo (Valle del Guamuéz et San Miguel) et 3000 familles à peu près se sont déplacées vers l'Equateur, Mocoa et le Haut Sibundoy; d'autre part la grève armée initiée en septembre a duré presque trois mois a exposé les habitants à de graves pénuries sociales et économiques.

Les menaces, disparitions et assassinats sélectifs de leaders, en particulier dans la municipalité de Puerto Asís ont apeuré la population au point d'immobiliser le CMDR; malgré la gravité de la situation, les leaders paysans et les colons réussissent lors des élections d'octobre, par la voie démocratique, à être présents au conseil municipal et à l'Assemblée départementale. La réponse de l'Etat est d'une part une aide humanitaire, via la promotion de projets alternatifs de production, et d'autre part l'intensification de la présence militaire avec plus de 4 500 hommes. Au Putumayo arrivent aussi des institutions internationales qui créent des attentes sur un possible investissement social. Le résultat de tout cela est la confusion des habitants, qui d'un côté entendent parler de projets nationaux et internationaux d'aide à la substitution de la culture de la coca, et qui voient d'autre part le conflit s'intensifier.

Dans ce processus il faut signaler que le maire de Puerto Asís, les ONG de protection des droits de l'Homme et d'autres personnalités internationales ont assumé une position très claire face à cette problématique en recherchant des solutions pour sortir du circuit du trafic de drogue qui soient socialement et économiquement dignes pour les habitants du Putumayo. Nous considérons que les communautés organisées de Puerto Asís doivent avoir le dernier mot quant à la manière de mettre en oeuvre la substitution des cultures de coca, et qu'on ne doit pas ignorer les expériences ou propositions locales antérieures pour l'éradication des cultures illicites.

Bibliographie

Acta de Acuerdo entre la Comisión Negociadora del Gobierno Nacional y la Comisión Negociadora del Paro Cívico del Departamento del Putumayo. "Por un Putumayo sin coca y sustentado en una economía solidaria. Plan de Desarrollo Integral de Emergencia. Orito, 19 de Agosto de 1996.

Alomía Eduardo, et. al. 1997. Al. Estudio de Impacto Socioambiental generado por el cultivo y proceso de la hoja de coca Erytroxilon coca Lam., en los municipios de Puerto Asís y el Valle del Guamuéz, Departamento del Putumayo. Monografía para optar al título de Especialista en Ecología, Medio Ambiente y Desarrollo. Universidad Incca de Colombia. Bogotá.

Ariza, Eduardo, María Clemencia Ramírez y Leonardo Vega. 1998. Atlas Cultural de la Amazonia Colombiana: la construcción del territorio en el siglo XX. Ministerio de Cultura-Instituto Colombiano de Antropología, Corpes Orinoquia, Corpes Amazonia, Bogotá.

Cabieses Hugo. Cultivos Ilícitos y "Desarrollo Alternativo": Lecciones de la Experiencia y Algunas Propuestas Andinas. Octubre del 2000, Lima. Documento presentado para la discusión al Debate Virtual Cultivos Ilícitos en Colombia, Universidad de los Andes.

Documento de primera discusión, Comisión Primera de Definición Plan de Sustitución y Erradicación Voluntaria de Cultivos Ilícitos. Acuerdo de Orito, Agosto 14 de 1996.

Municipio de Puerto Asís. Zona de Reserva Campesina "La Perla Amazónica". Departamento del Putumayo. Noviembre del 2000, Puerto Asís.

Red de Solidaridad Social e IICA-Instituto Interamericano de Cooperación para la Agricultura. "Informe de Labores Julio-Septiembre de 1998". Mocoa, Putumayo


[1]La colonisation du Putumayo et en général de la région de l'Amazonie occidentale a commencé à la fin du XIXe siècle et durant tout le XXe siècle. On peut différencier différentes époques de colonisation : 1900-1946: La Mission Capuchina commence à construire des routes en 1906 ; cette oeuvre est interrompue par le conflit colombo–péruvien (i.e.Pasto-Mocoa y Neiva-Florencia). En 1912 Puerto Asís est fondé et se convertit en base militaire en 1924. En 1922 San Antonio del Guamuéz est fondé, produit de la colonisation de Nariño. La colonisation continue durant le conflit colombo-péruvien (1930) appuyée par les militaires qui cherchent à stabiliser leur souveraineté sur cette région frontalière. 1946-1962: la colonisation de la violence: dissolution des réserves dans le département de Nariño et début de l'exploitation du bois en 1950. Dans les années soixante se développe le commerce des peaux. 1963-1976: c'est ce que l'on a appelé "la fièvre pétrolière" ; on découvre en 1963 des ressources pétrolières à Orito, La Hormiga, Acaé et San Miguel dans la vallée du Guamuéz. En 1964 débute le projet Putumayo 1 de l'INCORA (haut Putumayo), projet de colonisation dirigée. 1977-1987: les cultures de coca commencent et se répandent rapidement avec un boom en 1981 ; elles se maintiennent jusqu'en 1987. En 1987 arrive dans la région, chassé par la répression dans le Magdalena Medio, Rodriguez Gacha; il en est expulsé en 1991 par la population de Puerto Asís associée aux FARC. 1988 à nos jours: colonisation récente autour du pétrole et de la coca . Entre 1988 et 1990 les prix de la coca baissent, la lutte contre les narcotrafiquants s'intensifie et le candidat à la présidence Luis Carlos Galan est assassiné. En 1990 la première variété de coca appelé caucana disparaît suite à des épidémies; elle est remplacée par la variété tingo maria variété péruvienne et la variété boliviana; la production augmente et se stabilise. Un grand nombre de personnes arrive dans la région jusqu'en 1994 (essentiellement en provenance des départements du Huila, Cauca, Valle, Nariño ainsi que de la région caféière et de l'Equateur). A partir de cette date la migration de population attirée par les opportunités de l'économie de la coca a continué mais de manière moins intense.

[2]En 1996 sur 11 884 hectares de coca plantées à Puerto Asís, 2733 (23%) étaient entre les mains de grands cultivateurs avec une moyenne de 18 hectares par propriété, 4150 (35%) entre celles de cultivateurs moyens avec une taille moyenne de propriété de 7 hectares, les 4992 restants (42%) étaient entre les mains de petits cultivateurs qui possédaient en moyenne 2,3 hectares. Dans le Valle del Guamuéz et à San Miguel, sur les 11 112 hectares existants on a trouvé que 2 000 hectares (18%) étaient entre les mains de grands cultivateurs avec une moyenne de 16 hectares par propriété ; 3 334 (30%) étaient entre les mains de moyens producteurs avec une moyenne de 5.6 hectares par propriété et les 5778 (52%) restants appartenaient à de petits propriétaires qui possédaient en moyenne des propriétés de 2,6 hectares (Alomía et al. 1997:52).

[3] L'organisation au travers de coopératives coïncide avec la proposition du Plante :

L'Etat devrait pouvoir investir dans des entreprises que nous créons et organisons afin de donner les services technologiques et d'accompagnement nécessaires au paysan pour qu'il puisse produire dans les conditions exigées par le marché; ces entreprises intermédiaires devraient associer l'Etat, le secteur privé et la communauté, et ce type de réalisation ne peut pas se mettre en place un an ou deux. (Entretien avec un fonctionnaire du Plante, 1999).

[4] Dans la première discussion qui a eu lieu le 14 août au sein de la Commission 1, la valeur de l'hectare de coca s'est calculée de la façon suivante: la récolte d'un hectare de coca produit 140 arrobes (1,7 tonne) de feuilles, et il y a quatre récoltes par an soit 560 arrobes (6,8 tonnes) au total. Le prix moyen étant de 7 000 pesos par arrobe, la valeur annuelle de la production d'un hectare de feuilles de coca est donc de 3 620 000 pesos, soit un revenu annuel de 326 666 pesos (environ 1000 FF) par hectare. Sur cette base on propose le prix de 18 mois par hectare arraché et remplacé volontairement, période durant laquelle s'installera une culture de transition et se mettra en place le crédit pour la culture permanente. On propose aussi de débuter le processus de substitution et d'éradication volontaire des cultures illicites dans les aires de protection correspondant à des parcs naturels ou les territoires indigènes, où se posent des problèmes d'assainissement et dépossession des terres. La population concernée devra être relocalisée, et pour cette raison il faudra concevoir un Plan d'aménagement du territoire qui permette d'établir des aires de réserves paysannes à l'intérieur et à l'extérieur du département du Putumayo. On différencie donc des aires de protection, de gestion spéciale, et de production ou à vocation productive (Document de la Première discussion, Commission, 14 août 1996).

[5] Les projets suivants ont été enregistrés par la Red :

Même si ces projets sont petits et peu représentatifs du potentiel des hectares éradiqués, il nous semble important de les mentionner en tant qu'exemple du désir de la population de chercher des alternatives à la coca et de s'associer pour former des entreprises productives. En 1998 ces projets étaient à Bogota en attente d'évaluation et de financement de la part du Plante de Bogota. Pour les fonctionnaires locaux de la Red, ces projets ont besoin d'une volonté politique de la part du gouvernement pour travailler de façon inter-institutionnelle et ainsi garantir qu'après l'éradication d'autres institutions telles que l'Incora, le Plante et le Ministère de l'Agriculture entreront aussi à travailler avec les paysans et s'assurer ainsi du succès du processus d'éradication. 

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