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Coca ne veut pas seulement dire cocaïne

Cette édition de Mama Coca cherche principalement à alimenter le débat sur la feuille de Coca, dont les vertus, malgré de nombreux efforts, restent pratiquement inconnues du grand public. En vérité, il n’y a pas vraiment eu de réel débat sur la feuille de Coca et, comme pour le cannabis et le pavot, les mesures de répression ont éclipsé la recherche et la connaissance. Baldo Cáceres, dans Coca : tradition et promesse, parle des difficultés à affronter pour revaloriser cette culture traditionnelle, tandis que la distinction établie dans « Coca ne veut pas dire cocaïne » tente de préciser les vertus de la feuille de Coca et son potentiel. La prise de conscience du besoin qu’il y a à différencier Coca et cocaïne est à relier au fait que les mesures de répression pénale ou militaire qui sont prises au nom de la prohibition sont en train de plonger la Région Andine dans une guerre totale. Les marches de cocaleros qui ont lieu actuellement en Bolivie sont un appel clair à prêter l’oreille aux paysans andins, et à examiner avantages et inconvénients de la Coca. Alain Labrousse nous montre comment ces plantes naturelles, cannabis, pavot et Coca, ont été utilisées, historiquement, comme « armes de guerre », afin de soumettre les peuples du monde colonisé, et comment la prohibition a contribué à leur utilisation courante sous forme de substances chimiques. Coca et cocaïne, même si ce sont deux choses différentes, font toutes deux l’objet de répressions, et ce que mettent en lumière les études rassemblées dans cette édition, c’est le consensus concernant l’échec absolu de la Guerre contre la drogue dans des domaines comme la limitation de la consommation et la production de narcotiques, que ce soient des plantes naturelles ou des substances chimiques. Ces études universitaires renforcent l’idée que tout débat sur le problème des drogues doit prendre en compte la distinction entre Coca et cocaïne, tout en étudiant la corrélation entre pénalisation et expansion des cultures
« illicites » dans les pays producteurs, ainsi que des commerces illicites de toute nature.

Guilhem Fabre, dans son livre Les prospérités du crime, trace le réseau des liens et des convergences de la corruption, du crime organisé et du trafic de drogue, dans l’ombre de l’illégalité. L’analyse économique de Pierre Salama, Cocaïne, contes et mécomptes, souligne que les rentes microéconomiques des cultures illégales de Coca ramènent les paysans au même point: la servitude. Bruce Bagley indique comment, grâce à leurs liens toujours plus étroits avec les organisations criminelles russes, les groupes criminels et/ou les guérilleros latino-américains ont accès aux marchés internationaux illicites, aux services de blanchiment d’argent, et à des sources de trafic d’armes. Le tout pourrait faire de ces groupes de sérieux obstacles à la croissance économique et à la consolidation démocratique de la région. Steiner et Corchuelo concluent que « la Colombie est peut-être la principale victime du business des drogues illicites », tandis que d’autres analyses montrent comment la région est en train de sombrer dans la pauvreté et dans la violation du droit humanitaire, et comment ce sont les protagonistes de la violence qui conçoivent le futur de cette région. Les études de terrain apportent des données précises sur l’expansion des cultures « illicites » et des témoignages qui expliquent pourquoi il en est ainsi, et proposent des alternatives adaptées à la région. Le débat sur les drogues doit bien évidemment prendre en compte l’impact de la Guerre contre la drogue sur l’état de décomposition sociale, économique et politique qui règne dans la région. S’il est encore trop tôt pour prévoir les « dommages collatéraux » du Plan Colombia et de l’Initiative Régionale Andine, ralliés à l’étendard de la Guerre contre le terrorisme, il est en revanche évident que le passe-partout du « terrorisme » servira à plus d’un politicien pour renforcer la Guerre contre la Drogue, qui passera sous la houlette de la « Guerre Terroriste ».

Plusieurs auteurs remarquent la « narcotisation » progressive de l’agenda bilatéral USA-Région Andine, avec toutes les conséquences qu’on imagine, notamment une moindre autonomie en matière de conception des réformes structurales dont la Région a tellement besoin. C’est bien sûr le cas également avec les modèles de Développement à la mode. La star du moment est bien sûr le Développement durable, qui arrive accompagné de pactes sociaux d’éradication « volontaire » : c’est ça ou la guerre chimique. Les herbicides, nous montrent les études du Réseau Mondial d’action contre les pesticides, détruisent les gens et leurs terres. Dans le cas de la Colombie, la situation est encore plus dramatique : on est en train d’épandre des produits chimiques, par voie aérienne, sur les paysans et les communautés indigènes. L’Etat colombien, sur ordre de Washington, a déclaré la guerre chimique au peuple colombien il y a déjà presque trois décennies dans le cadre –faut-il le préciser- de la Guerre contre les drogues. Pastrana lui-même, en 1992, avant de devenir président, parlait au Congrès des effets néfastes de la fumiguation chimique. Des analystes comme Dario González Posso et Emilio Constantino identifient la menace la plus grave pour la Colombie, celle de la guerre la plus inhumaine, la guerre biologique. Les travaux publiés par Mama Coca rendent compte des témoignages, constatations, recommandations et exigences d’experts de la Région Andine, et d’universitaires nord-américains et français. Ils parlent de la prospérité du marché de la drogue, favorisée par la répression, qui s’alimente de la misère et de la criminalisation des paysans cultivateurs. La première étape pour approfondir notre connaissance, afin de mieux traiter le problème de l’abus de stupéfiants, au nom duquel consommateurs et paysans sont soumis à la Guerre contre la Drogue, est de proposer des études qui analysent les arguments pour ou contre, en se basant sur des faits, et non sur les lavages de cerveau qui nous assurent qu’il vaut mieux semer le monde de mines antipersonnelles que de  pavot, de Coca ou de cannabis. Et qu’il faut nécessairement choisir l’un ou l’autre. Mama Coca invite les universitaires et les chercheurs à aider à lancer un débat, qui soit basé sur des faits, et qui se nourisse de tous les aspects contradictoires et de toutes les visions disponibles sur le sujet des drogues.

María Mercedes Moreno
février 2002

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