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Pourquoi éradiquer? Bastions de pouvoir, culture et narcotrafic
(résumé)

Santiago Villaveces Izquierdo[*]

En 1997 la communauté indigène Guambiana installée dans la commune de Silvia (dépt du Cauca, Sud-Ouest de la Colombie), a invité les fonctionnaires de Plante pour incorporer, dans le plan de développement de la réserve indigène, les stratégies de substitution de cultures illicites promulguées par le gouvernement.

En octobre 1997 j'ai été invité par le directeur d'alors du Plan de développement alternatif (Plante), le programme mis en place par la présidence de la République de Colombie pour mettre en oeuvre des programmes de substitution de cultures illicites, afin d'explorer le processus d'éradication volontaire qui se développait dans une réserve indigène Guambiano, au sud du pays. Au cours de trois mois consécutifs, et après une série d'entretiens avec des fonctionnaires locaux et régionaux de Plante, ainsi qu'avec des membres de la communauté indigène, j'ai essayé de comprendre quels avaient été les motifs qui avaient poussé cette communauté à mettre en oeuvre ce processus. Peut-être était-ce le fruit des campagnes publicitaires de Plante, qui insiste sur le coût moral des cultures de pavot et de coca, ou était-ce plutôt le résultat de luttes locales qui s'articulent autant dans le terrain politique que culturel?

Depuis les premiers mois de 1997 le cas des Guambianos était connu dans le public. Pour la bureaucratie de Bogota l'expérience était un exemple de plus du succès des fonctionnaires publics dans leurs efforts pour mettre en place les stratégies de Plante, dans le cadre de politiques de décentralisation administrative et financière que le Département national du plan promouvait depuis 1988. L'éradication volontaire dans la réserve indigène apparaissait comme le résultat du pouvoir de négociation des fonctionnaires publics locaux et régionaux qui, dans un dialogue actif avec les autorités indigènes, étaient parvenus à convaincre ces dernières des bénéfices économiques qui résulteraient de la substitution de cultures : prêts à taux bonifiés, acquisition de terres, assistance technique continue, etc.).

En parallèle à cette explication, l'explication donnée par un anthropologue, consultant indépendant de la banque interaméricaine de développement, qui avait assisté la communauté indigène dans l'élaboration de son plan de développement: pour lui, le processus d'éradication volontaire initié par les Guambianos était plutôt une preuve de l'autonomie culturelle indigène. Ce que les Guambianos faisaient, selon lui, c'était de réaffirmer leur capital culturel en invoquant leur cosmogonie, comme matrice interprétative selon laquelle les cultures et le commerce devaient affecter l'équilibre entre les éléments bons et mauvais qui composent le monde. Les cultures et le commerce de coca et de pavot généreraient plus d'éléments mauvais, ce qui affecterait l'équilibre entre la nature et la coexistence sociale..

Ces deux explications amenèrent le directeur de Plante de l'époque à explorer les possibilités pour créer une stratégie nationale qui pousse les cultivateurs de coca et de pavot à s'engager dans des processus d'éradication volontaire. La préoccupation, à Bogota, tournait autour d'une question-clé : quel type d'incitation pouvait-on mettre en place pour pouvoir répliquer des processus d'éradication volontaire partout dans le pays ? Est-ce qu'il suffirait d'inciter au dialogue entre les communautés locales et les fonctionnaires de l'État, dans le cadre d'un respect mutuel pour les valeurs culturelles de l'autre ? S'il est certain que le travail entre fonctionnaires publics locaux et autorités indigènes était important, ainsi que les valeurs culturelles des indigènes, ces deux explications ne tenaient pas compte de processus bien plus critiques qui poussaient la communauté à affronter les conséquences d'une éradication volontaire. La convergence de facteurs qui ont poussé la communauté Guambiana à éradiquer de ses terres les cultures de coca et de pavot ne répondait pas à des comportements logiques "réplicables" chez d'autres communautés, mais au contraire à des processus locaux particuliers.

Peu de temps après, le Cabildo indigène (plus haute autorité de la réserve) scellait son engagement avec la publication du Plan de vie Guambiano, un plan de développement détaillé de la communauté pour les dix années à venir qui compilait des projets par secteur suivant la méthodologie du Département national du plan. Pour le Cabildo, l'appropriation de ce plan comme instrument d'ordonnancement interne de la réserve devait fortifier sa position sur deux plans. D'un côté, il voulait se montrer au gouvernement colombien comme un espace autonome et mûr, doté de capacités techniques et politiques pour assumer le développement intégral de saommunauté ; d'un autre côté, il voulait ratifier sa position dans la réserve comme unique espace d'autorité légitime. Cette dernière intention était tout particulièrement importante puisque de grandes étendues de terres de la réserve (dont plusieurs d'usage communautaire) étaient utilisées pour les cultures de coca et de pavot.


[*] Docteur en Anthropologie, Rice University. Professeur invité, Programa de Pós-Graduação em Ciências Sociais (PPCS), Universidade do Estado do Rio de Janeiro (UERJ).
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