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Globalisation et crime organisé transnational: la mafia russe en Amérique Latine et dans les Caraïbes
(résumé)

Bruce Michael Bagley

School of International Studies
University of Miami
Coral Gables, Florida
31 Octobre 2001

Les groupe russes de crime organisé posent un défi unique aux autorités policières, leurs entreprises criminelles transnationales menaçant la sécurité publique dans le monde entier. Les activités mondiales de blanchissage de l'argent, de Chypre aux Iles Caïman et des Vanuatu dans le Pacifique au Venezuela, l'assassinat de l'homme d'affaires américain Paul Tatum à Moscou, les escroqueries financières à New York, les réseaux de vol de voitures en Europe, le trafic de stupéfiants et le blanchiment de l'argent en alliance avec et les seigneurs de la drogue colombiens et nigérians ou la mafia italienne ne sont que quelques-uns des tentacules étendus par les réseaux russes de crime organisé dans le monde entier. 200 grandes organisations criminelles eurasiennes travaillent à niveau mondial et ont actuellement des alliances formées avec leurs homologues criminels dans 50 pays (y compris 26 villes des U.S.A.)"
(Center for Strategic & International Studies (CSIS), Russian Organized Crime. Washington D.C.: CSIS, 1997) http;//www.csis.org/goc/taskruss.html).

Le but de cet article est d'examiner la portée et l'impact de la vague criminelle transnationale, issue de la Russie de l'après-Guerre froide, dans une région du système global: L'Amérique latine et les Caraïbes . Bien que les données actuellement disponibles dans le domaine public soient principalement journalistiques et souvent anecdotiques, elles sont malgré tout suffisantes pour conclure que les liens ou "alliances stratégiques" entre les divers groupes russes de crime organisés et les principales organisations criminelles transnationales en Amérique latine et dans les Caraïbes étaient déjà en 2001 substantiels et en développement rapide. En outre ces données font surgir le péril, au moins dans certains pays-clés de la région (comme la Colombie, le Mexique et le Brésil), que les alliances entre les organisations criminelles locales et Russes puissent faciliter aux organisations locales et/ou aux groupes de guérilla l'accès aux marchés illicites internationaux, aux réseaux de blanchiment d'argent et aux sources de trafic d'armes, ce qui pourrait en faire des obstacles sérieux à la croissance économique, et représenter une sérieuse menace à la consolidation démocratique et la stabilité domestique à long terme.

Le crime organisé prospère au mieux dans les contextes des états faibles. Dans le sillage de l'effondrement complet de l'empire soviétique en 1991, le nouvel Etat Russe arrivé au pouvoir à Moscou était dès le début un état faible, et sa faiblesse institutionnelle a conduit la Russie, ainsi que la plupart des 14 autres états indépendants issus de l'ex Union Soviétique (par exemple Ukraine, Belarus, Géorgie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Arménie, Azerbaïdjan, Tadjikistan et Kazakhstan) à devenir une pépinière du crime organisé durant la décennie 1990.

Les faiblesses institutionnelles de longue date de la plupart des états d'Amérique latine et des Caraïbes, combinées avec l'existence d'un commerce souterrain de la drogue extrêmement lucratif dans l'hémisphère occidental, ont fait des pays de ce coin du système mondial des cibles particulièrement attrayantes pour les entreprises criminelles transnationales russes. Le manque de transparence et de contrôle efficace, de la part de l'Etat, des systèmes bancaires de bien des nations latino-américaines et Caraïbes latines les expose particulièrement à la pénétration par les blanchisseurs d'argent russes. Leurs institutions judiciaires et policières corrompues et inefficaces ont permis aux groupes criminels russes de fonctionner hors la loi en toute impunité. En effet, la pratique douteuse d'un certain nombre de petits pays dans la région (par exemple la République Dominicaine, le Panama, l'Uruguay et le Paraguay) de "vendre" littéralement la citoyenneté constituent une invitation ouverte aux groupes criminels russes pour s'établir dans l'hémisphère. Comme Tom Farer le note, quand les états sont faibles, mais agissent comme s'ils étaient forts, "... vomissant des lois et des règlements qui prétendent régler, inhiber et taxer l'activité privée..." sans la volonté ou la capacité d'imposer la loi, ils créent inévitablement des espaces ou des niches entre la réalité et la légalité, qui peuvent être et sont souvent exploités par le crime organisé.

Les processus actuels de globalisation ont incontestablement facilité la transnationalisation des activités de la mafia russe au cours de la dernière décennie. Dans les grandes lignes, la globalisation consiste en une "réduction" des distances à l'échelle globale par l'apparition et le renforcement des "réseaux de connexions" - économiques, technologiques, sociaux, politiques et écologiques. Bien sûr, comme beaucoup de sceptiques l'ont noté, les transformations récentes dans le système mondial n'étaient pas complètement nouvelles. Ce qui est nouveau dans la période contemporaine, c'est leur extension, leur intensité, leur vitesse et leur impact sur les Etats et les sociétés autour du globe. Les organisations criminelles transnationales russes (tout comme d'autres réseaux internationaux criminels et terroristes) ont été capables d'exploiter la facilité croissante des voyages internationaux, la libéralisation des politiques d'émigration, l'expansion du commerce international, la diffusion des nouvelles technologies de communication et la sous-régulation des réseaux financiers internationaux (au moyen de techniques sophistiquées de blanchiment d'argent), ce qui leur a permis d'étendre leurs entreprises criminelles bien au-delà des frontières de leur propre pays.

Pour les états historiquement faibles comme ceux d'Amérique latine et des Caraïbes, leur insertion accélérée dans l'économie globale au cours des dernières décennies, avec une intensité particulière dans l'ère post-Guerre froide, a demandé en général de pénibles mesures fiscales d'austérité de la part des gouvernements nationaux et une diminution importante de l'état en général. Sous les bannières du "consensus de Washington" et des réformes neo-libérales du marché, les capacités de pénétration, extractives et régulatrices des états dans toute la région ne (qui n'ont jamais été particulièrement fortes) ont souffert une érosion dramatique à la suite de la crise régionale de la dette en 1982. A cause de cela, les autorités se sont souvent trouvées, au cours des années 90, privées des ressources financières et institutionnelles indispensables pour combattre l'augmentation et l'extension des organisations criminelles transnationales dans leurs territoires nationaux. Les institutions policières restent lamentablement inadéquates, sous-consolidées et corrompues. Les tribunaux et les systèmes pénitentiaires sont périmés et submergés. Et la corruption politique de haut niveau continue ou s'aggrave même dans beaucoup de cas malgré la conviction néolibérale que la libéralisation en gros pourrait -une fois terminée la phase initiale de transition- "réduire la gamme de possibilités de profits illicites et cachés accessibles aux détenteurs du pouvoir politique". Mal préparés par le passé pour combattre le crime organisé transnational, après presque deux décennies de réformes néolibérales, la plupart des états dans la région en sont aujourd'hui encore moins capables.

Le tendance des réformes néolibérales à exacerber le fossé entre riches et pauvres dans beaucoup de pays de la région, et à augmenter la pauvreté et la misère des classes subordonnées sans liens avec les secteurs exportateurs -les principaux "perdants" dans le processus de globalisation- ont généré, de façon tout à fait prévisible, une résistance à la globalisation parmi les défavorisés, et une demande populaire accrue de réformes politiques et de démocratisation plus complète dans la région. Cependant, dans le contexte de la globalisation, la portée de l'action autonome de l'état dans la plupart des pays en voie de développement est considérablement contrainte et les politiques d'amélioration sont souvent perçues comme inefficaces et inacceptables. Confrontées à la puissance écrasante de la production globalisée et de la finance internationale, y compris les lourdes charges de la dette, la plupart des élites politiques de l'Amérique latine et des Caraïbes de Latin ont été réduites à la négociation, en position de faiblesse, des termes de leur intégration nationale progressive dans le système capitaliste global. Incapables de s'opposer fortement aux forces transnationales et réticentes à adopter un système plus flexible de représentation démocratique, les élites gouvernementales et des partis politiques se sont généralement évertuées, plutôt, à préserver les structures fondamentales de pouvoir et de domination, tout en résistant aux pressions de la base en faveur d'une plus grande égalité socio-économique et de la démocratie, au moyen d'une cooptation sélective (pour limiter les dissensions croissantes) et de la contrainte d'état systématique (pour réprimer les débuts de contestation et de poussées prétoriennes.)

Dans la plupart des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, les dynamiques de globalisation au cours des deux dernières décennies ont abouti à des conditions presque idéales pour la pénétration et la diffusion rapides du crime organisé transnational. D'un côté les centaines de millions de pauvres sous-employés ou au chômage alimentent un vaste chaudron bouillonnant dans lequel la criminalité sous toutes ses formes peut couver et se multiplier, ce dont elle ne se prive pas. De fait, l'implication dans des activités criminelles, y compris des formes de crime organisé, de la part de défavorisés de la région, peut être vue comme une stratégie rationnelle de survie face à des opportunités de vie sévèrement limitées. D'un autre côté, les états faibles, souvent corrompus et fréquemment illégitimes, typiques de l'hémisphère, se sont révélés incapables de répondre adéquatement aux besoins désespérés de ces segments "marginalisés" de leurs populations, ou d'empêcher l'extension de la criminalité commune. Ils ont encore moins su arrêter l'augmentation ou stopper l'extension du crime organisé transnational, bien plus sophistiqué et armé de technologies.

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