Elle n'aurait fait qu'un
mort en Grande-Bretagne, où elle sera interdite à partir du 16 avril. La
méphédrone,
drogue de synthèse en vente libre sur Internet, inquiète déjà en France.
Psychiatre au centre de traitement des addictions de l'hôpital Paul Brousse
de Villejuif, Laurent Karila constate la multiplication rapide des
consommations.
Cinq patients en quinze jours lui ont raconté leurs prises, qui se sont
toujours déroulées « dans un cadre festif ». Ceux qui en ont consommé n'ont
pas tardé à réaliser son danger.
Aux lecteurs qui nous accusent de faire du prosélytisme, nous tenons à
rappeler que l'absence d'interdiction de cette drogue n'enlève rien à ses
dangers. Au contraire, sa fabrication synthétique et sa récente apparition
sont deux inconnues qui la rendent pires que ses concurrentes légales.
Le
docteur Karila reçoit chaque semaine une trentaine de toxicomanes
(essentiellement des cocaïnomanes) qui décident de se sevrer
par un traitement mêlant consultation psy et médicaments, avec une
hospitalisation si besoin.
Avec d'autres addictologues, il s'inquiète surtout de la disponibilité de
la méphédrone :
« Il y a ce côté commandé sur Internet et livré à la maison. C'est
tranquille. On peut mourir chez soi sans que personne ne le sache. »
Une seule overdose a été confirmée médicalement, en 2008, en Suède.
En injection « jusqu'à épuisement du stock »
Ses patients lui ont décrit des effets proches de la cocaïne :
« Ils ont ressenti des effets euphorisants, empathogènes [qui
facilite les contacts sociaux, ndlr], certains ont décrit un sentiment
de grand calme et de bien-être, parfois de toute puissance ou
d'accélération des pensées.
Tous trouvent globalement que ça ressemble à la cocaïne ou à
l'ecstasy, même en mieux pour certains. Ses effets durent deux à cinq
heures, soit bien plus que la coke.
Ceux qui en ont sniffé ont parfois ressenti des douleurs au nez et
ceux qui en ont pris en injection décrivent des envies compulsives
fortes. Ils en ont parfois consommé jusqu'à épuisement du stock, ce qui
peut faire jusqu'à trois grammes.
Certains ont dû gérer la descente avec de la cocaïne ou du cannabis,
des tranquillisants ou du GBL. Beaucoup se rendent compte qu'ils peuvent
s'accrocher rapidement. »
« Dans tous les témoignages revient la référence à la MDMA, substance
active de l'ecstasy »
rapporte Arnaud Aubron sur son
blog Drogue News. Une consommatrice lui a raconté :
« Le lendemain [de la consommation], l'effet physique est plus fort
qu'avec la MDMA. Et on ne sait pas ce qu'il y a dedans ni les effets
secondaires. »
Si la méphédrone se présente parfois sous l'apparence d'un engrais, sur
les sites qui en vendent, dans les cas décrits par le psychiatre, les
consommateurs savaient ce qu'ils prenaient.
Si elle disparaît, d'autres la remplaceront
Elle se trouve en quelques clics sous de nombreux noms, « Bubbles », « NeoDove »,
4-methylephédrone, 4 MMC, M-Cat ou « Miaou Miaou » (en référence au
« cat »), à un tarif très bas, 10 à 15 euros le gramme (plus de deux fois
moins cher que la cocaïne). Cette alternative légale à la cocaïne, qui a le
même aspect, est fabriquée par des chimistes très malins à partir d'une
forme synthétique de cathinone, le constituant naturel du
khat, cette plante stimulante qui se mâche au Moyen-Orient.
Avant
de se prononcer, la France attend en mai une évaluation des risques, menée
conjointement par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT)
et Europol, indique un
rapport de l'OFDT.
La commission des stupéfiants et des psychotropes de l'Afssaps (Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé) pourrait la classer
« avant l'été » comme substance illicite.
Mais globalement, cette drogue
défie les politiques répressives. Son interdiction pourrait ne rien
résoudre tant elle risquerait d'être vite remplacée par un produit de
synthèse similaire.
Drogue News prévient que « si la méphédrone est interdite, les
prétendants au trône s'appellent entre autres buphedrone, flephedrone, MDAI,
MDVP, désoxypipradol… »
Au niveau européen, la méphédrone est déjà interdite au Danemark, en
Suède, en Allemagne, en Norvège, en Croatie, en Estonie, en Roumanie… et à
partir de ce vendredi, les clubbers anglais devront se passer de celle
qu'ils appellent la « killer party drug ».
► Mis à jour le 15/04 à 15h30. Ajout d'une précision
suite aux réactions : « Aux lecteurs qui nous accusent de faire du
prosélytisme, nous tenons à rappeler que l'absence d'interdiction de cette
drogue n'enlève rien à ses dangers. Au contraire, sa fabrication synthétique
et sa récente apparition sont deux inconnues qui la rendent pires que ses
concurrentes légales. »
Photos : de la méphédrone